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Talking Timbuktu

20 avril 2009

Jour 123 - Le 2è effet Kisskool où la difficulté de naître lapin

Amis de la nature, protecteurs de la vie animale, âmes sensibles... Ce post n'est définitivement pas écrit pour vous et je ne répondrai de rien si vous persistez à lire les lignes à venir.

Quelque peu lassé de la monotonie alimentaire ambiante répondant à un doux rythme binaire: riz-poisson, poisson-riz, riz, poisson... J'ai décidé de changer un peu la mélodie juste histoire de valser ou zouker un peu dans mon assiette. Alors que le prédateur qui sommeille en moi commençait un peu à sortir les crocs et pointait le bout de ses griffes acérées, j'apprends qu'il est possible de se procurer du lapin. Apparemment, à non loin de Niafunké il est possible de traquer du lapin, les seuls outils nécessaires à cette chasse sont: un véhicule et un fusil.

Chasser le lapin nécessite un peu de patience, un bon chasseur, et une nuit bien noire. Lorsque ces éléments sont réunis il est alors possible de ramener jusqu'à 5 ou 6 lapins en une seule sortie.
Ni une ni deux, je me procure un bon chasseur (livré avec son fusil et ses cartouches), je le pose sur la banquette avant du véhicule (lui muni d'un chauffeur) et dès la tombée de la nuit nous nous mettons en quête du précieux mêts au grands oreilles.

Mon côté fleur bleue m'avait amené à penser que le véhicule était un outil de locomotion, permettant d'amener un individu d'un point A vers un point B et ce dans des conditions de confort. La suite va me montrer que dans la chaîne alimentaire, le T****A L**d C*****r est un prédateur redoutable.

Imaginez donc, un chasseur et son fusil, un chauffeur et son véhicule, moi et son même embarqué dans une petite session de chasse au la-pin en brousse. La technique rodée consiste à se promener à petit rythme dans les grands espaces à la recherche du succulent plat du lendemain. Tout allait bien dans le monde de Bambi cher à Panpan et consorts jusqu'à ce que...

Dans le faisceau des phares apparaîsse un laaaaaa-pin (wé kikik...). Et là, la machine se met en marche, le chasseur charge son arme (dans le véhicule, normal), le chauffeur traque la bête aidé du son 6 cylindres et une fois l'animal hypnotisé par les phares ou épuisé par la course, le chasseur met le pied à terre, arme son fusil... et constate que le lapin s'est fait la malle. Pas de souci, il remonte à bord et on recommence la poursuite. Sauf que manque de chance pour l'équipe, l'adversaire était de l'espéce lapinus Oudini et il lui a suffi d'un bond, d'un souffle entre ses grands oreilles pour disparaître. Pas découragée, l'équipe se remet en route.

Il n'a pas fallu longtemps avant de croiser un collègue de Chantal (dans sa version nocturne) qui cette fois semblait moins doué pour la prestidigitation. L'espace est ouvert, pas de cachette possible, pleins phares, immobilisé dans le faisceau, le chasseur fait mouche. Paf, dans l'oeil! Je vous passe l'épisode de la décapitation sans grand intérêt.

Le temps file malgré tout, et bien que le butin soit anémique, il faut bien retourner au bercail. Sauf que la nature est imprévisibile et qu'au loin un animal surgit. Il ne s'agit pas d'un lapin, mais d'un... chacal. Petit parenthèse nos amis les bêtes. Le chacal fait partie de la famille des canidés, dont un cousin lointain au chien du voisin. Peu convaincu que nous allions traquer Rufus, je me rassois dans mon siège. Sauf que Rufus allait passer un très mauvaise soirée. Devant l'excitation presque hystérique reignant à l'avant (le chasseur et le chauffeur tous deux locaux et amateur de chaire canine) je comprends rapidement qu'il y a un enjeu à chasser le petit prédateur. Quel enjeu? La viande. Me voilà rassuré, parce que quand même pour le sport cela aurait bien cruel... Et à en juger par la tension subitement exacerbée dans le véhicule par la présence du chacal (qui a ce moment là avait encore toute sa tête et était à l'extérieur du véhicule), elle doit être sacrèment bonne la viande de chacal. Vous savez quoi? Un chacal ça court sacrément vite et ça a un instinct de survie bien supérieur à un lapin. Autant le lapin a semblé résigné à l'idée de se faire déssouder à coup de carabine que le chacal ayant flairé le traquenard s'est lancé dans une course effreinée contre la mort.

Petit arrêt sur image: à cet instant là, un chacal court devant le véhicule pour s'extirper du faisceau des phares du véhicule... Image surréaliste de trois individus de race humaine protégés par une carapace de fer cachant accessoirement un moteur de camion poursuivant un canidé à 4 pattes haut comme trois pommes. Je ne sais pas s'il faut se sentir puissant ou ridicule, mais on a du mal à se sentir prédateur... ou alors en supra prédateur qui fausse les règles de la nature. Toujours est-il que le chacal court, et court encore et que le chasseur ne parvient pas à le mettre en joug. La course poursuite devient effreinée, le chasseur et son chauffeur atteignent un niveau d'excitation qui devient inquiétant, et je réalise qu'il n'y a qu'une seule issue pour le chacal qui blessé par la troisième salve semble montrer des signes de fatigue.

Finalement, alors que je me disais que ce brave animal s'était battu pour survivre et qu'en grands seigneurs nous devrions lui laisser la vie sauve une balle l'atteint et stoppe sa course. Je vous passe l'épisode de la décapitation.

Un malheureux renard connaîtra le même sort.

Bilan: un lapin, un chacal et un renard. L'équipe malienne est satisfaite... Le butin sera découpé et partagé sur place entre les forces en présence.

Et vous savez quoi? Je n'ai même pas mangé de lapin. Mais je sais qu'au nom de la protection de la nature j'éviterai d'aller chasser dans ses conditions à l'avenir. Juste histoire de pouvoir continuer à regarder Bambi et ne pas me sentir coupable.


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Bande Son: Sly & Robbie - Peaceful Warrior
Barbe: Non, j'vous jure M'sieur l'agent ch'uis majeur

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14 avril 2009

Jour 117 - La totale, c'est combien?

Il est de ces défis surprenants et croustillants que l'on prend un malin plaisir à relever.

Alors que je tuais le temps en m'assommant devant la grille des programmes d'une célèbre chaîne cryptée dans un hôtel quelconque de Bamako (ah les joies du Top 14 au bout du monde). Un petit texto bien avisé vient me rappeler qu'il est toujours de bon goût de prévoir une tenue lorsqu'on rencontre des officiels.

Ma garde robe sur place étant d'une part restreinte à son plus simple appareil (la garde robe, hein) et d'autre part relativement basique (la garde robe toujours). Adepte du 'voyager léger c'est voyager heureux' ma vaste garde robe tient dans un sac plastique plus communément utilisé pour le stockage des déchets ménagers... Voilà pour le contenant. Le contenu n'est pas plus brillant, c'est un cocktail plutôt hétéroclite des collections printemps-été et automne-hiver des pantalons de randonnées de la chaîne qui allait à fond la forme à une certaine époque et de ses formidables et increvables t-shirts à 3€. Autant dire que pour tailler la bavette chez un ministre ça fait un peu léger.


Je crois même qu'un moment, regardant mes pantalons droit dans les poches je m'étais dit 'chiche'. Mauvaise idée. Le message reçu, j'avais à peu prêt 12 heures chrono pour trouver la panoplie du parfait golden boy.

Petit parenthèse coup de gueule:
Bamako un 27 mars, c'est 42°c dès 10h du matin et un pourcentage d'humidité dans l'air assez affolant. Autant dire que même respirer parfois c'est compliqué. Mais qu'à cela ne tienne, un code vestimentaire oblige, ça sera le costume, la chemise et la cravate. Bamako un 28 mars, un golden boy tout déguisé ça donne 42°c à l'extérieur 55°c à l'intérieur...


Temps avant impact: 11h... où l'homme qui savait que cela allait être simple

Frais, dispo et enjoué tel le golden boy qui flairait le bon coup (mais si  souvenez-vous à l'époque d'avant  la crise ça se passait comme ça), je descends à l'accueil de l'hôtel et demande des infos sur LE bon plan pour trouver des costumes complets. La totale quoi. A ma grande surprise, le réceptionniste n'est ni surpris ni curieux il me demande de mettre par écrit mes doléances et il fera livrer ça rapidement (bon en langue locale ça veut dire dans la journée).
Et voilà que je sors ma plus belle plume pour n'épargner aucun détail sur mon futur déguisement, en souvenir de la grande époque où je vivais avec une fashion victime qui avait une paire de chaussure par jour du mois, et des costumes à paillettes vraiment chouette.
Les paillettes, ça risquait de faire un peu m'as-tu-vu alors je me suis rabbatu sur quelque chose de sobre, mais efficace.

Je vous livre ma liste de course telle que:
"1 veste taille 52 (hé hé, beau gosse) avec 2 boutons et coupe cintrée gris foncé
1 pantalon taille je ne sais plus assorti gris foncé (tant qu'à faire... cette petite remarque ne figurant pas sur la liste)
1 chemise bleu clair ou blanche
1 cravate assortie à l'ensemble"


Les spécialistes ou habitués noteront que j'ai oublié plusieurs détails: des chaussettes (parce que les chaussettes Quechua, c'est pas top), une ceinture, des chaussures (parce que les chaussures de randonnée, non merci). Passons.

Temps avant impact: 9h... où l'homme qui flairait le bon coup

2 heures plus tard, le téléphone de ma chambre sonne. Ma commande est arrivée. Une dame m'attend dans le hall, les fripes en main. Chic. Avant de me tendre les produits,  la dame qui s'avère être la taulière d'un grand magasin de fripes de Bamako (selon ces dires) m'assure qu'elle ne se déplace que pour ses clients les plus fortunés car elle n'habille que les hommes importants (hé hé). Elle a même quitté sa belle vie sénégalaise pour s'installer à Bamako et suivre ses clients les plus fidèles et plus fortunés (hors contexte cette phrase pourrait prêter à confusion). Après le discours d'introduction au cours duquel elle s'est introduite bien plus que moi, elle me sort son... costume. LE costume. Le costume qui était à quelques kilomètres prêt aux antipodes de ce que j'avais commandé. Gris clair. 4 boutons. Coupe large. 150 000 FCFA. A ce moment précis, je me suis dit deux choses. L'une après l'autre, le choc était trop violent. Une fois le prix annoncé, que c'était un fait ses clients devaient vraiment avoir de l'argent et une tendance bassement masochiste pour s'acheter à prix d'or des costumes aussi moches. La deuxième c'est que parfois je dois vraiment avoir l'air con absent car elle a semblé lire sur mon faciés décomposé un soupçon d'intérêt. C'est alors qu'elle m'a expliqué que les 2 boutons c'était le passé et qu'elle ne vendait que ce qui était à la mode... Et moi qui jurait avoir vu une veste Kenzo avec 2 boutons  la semaine passée à Paris.
C'est là qu'en bon amateur de cirque (c'est pour la littérature), je m'en sors avec une formidable pirouette qui m'a laissé un mal de chien à la cheville. Comme je suis un mec vachement sympa,  je crois lui avoir expliqué que je n'étais peut être passé assez important et fortuné pour m'offrir de telles tenues (à laquelle il manquait la cravate), et que par conséquent il allait falloir me laisser le temps de la réflexion.


Temps avant impact: 6h... où l'homme qui voyait partir sa sérénité en courant

A vrai dire, si j'ai appris quelque chose depuis mon arrivée c'est qu'il faut persévérer parce que tant que c'est pas mort c'est qu'il y a de l'espoir.
Je commencais à me voir en complet blanc, chemise rose et chaussures croco bleue vernies... Flippant.
Reste que il fallait réfléchir vite et bien. Ca c'est résumé à un coup de fil:

"Oui c'est moi je suis dans la merde j'aurais besoin d'un petit service, saurais-tu par le plus grand des hasards où je peux me trouver un costume et tout l'équipement qui va avec?"
"Pas de souci, y'a une boutique sur la place de ... à côté de..."
(Non mais oh vous pensiez pas que j'allais vous refiler mes bons plans!)

Ni une, ni deux, je saute dans un taxi direction le paradis du fruit et du golden boy.
Arrivé à destination, je me suis étrangement senti entre Barbés et la Rue Strasbourg Saint-Denis ou pas loin. De tout et n'importe quoi.
Cette fois, je peux voir les produits de vive voix
et m'assurer que mon costume sera à la hauteur du rendez-vous. Après tout c'est pas tous les jours qu'on s'entretient avec un ministre (parce que Bachelot au palco des arènes de Dax  ça compte pas, enfin pas vraiment...)

Temps avant impact: 2h... où l'homme qui valait 240 000 FCFA

De tout et n'importe quoi mais un peu de tout quand même. Dans ce petit carpharnaum fort charmant, je dégote un petit ensemble gris en dentelle avec une veste à 2 boutons et le pantalon qui va avec. Et excusez moi du peu (modestie oblige) mais y'a pas à dire, le costume me va à ravir. Sans trop sourciller j'enchaîne sur la chemise et la cravate. Au grand bonheur du commercant qui ne regrette pas que je repousse un peu l'heure de fermeture de la boutique.
Pour finir, les chaussures, les chausettes et la ceinture.... et l'ourlet dans la minute.
Comme s'il doutait de mon intention et pour me réconforter un peu du traumatisme précédent (quand même, moi pas à la mode...), le vendeur m'assure que j'ai l'élégance d'Obama (true story, excusez du peu). Je lui réponds que ça doit venir de la coupe de cheveu. Il s'en fout, il sait déjà que je vais passer à la caisse. Je vous passe le détail, l'ardoise s'élève à 240 000 FCFA l'ensemble ce qui n'est pas grand chose et beaucoup à la fois. PAs grand chose en regard de l'importance du rendez-vous, beaucoup étant donné que ce rendez vous risque de durer 30 minutes. Ce qui nous fait un coup de revient fort élevé pour du tissu.
Le temps tourne, j'emballe la bonne affaire et m'en retourne à mon hôtel.

Temps avant impact: 1h... où l'homme qui savait conclure

Et devinez qui m'attendait dans le hall de l'hôtel? Ma vendeuse de veste 4 boutons... Qui me voit rentré avec sous le bras mes petites emplettes. Assez fier de mon coup, je lui explique que j'étais un peu vexé qu'elle essaie de me convaincre que j'étais un gros ringard et que je n'étais pas assez fortuné pour m'offrir ces produits.

Conclusion
Y'a pas à dire, j'étais élégant pour Monsieur le Ministre. Je lui suis d'ailleurs infiniment reconnaissant que son bureau soit équipé d'une climatisation, cela m'a permis de ne pas totalement me liquifier.

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Barbe: Vous avez des rasoirs 8 lames, c'est pour une barbe difficile?
Bande Son: Al Green - Lay It Down

4 mars 2009

Jour 94 - Brêves de brousse

Ces moments privilégiés dont je me lasse pas: commenter les informations pendant le repas.

Quelques commentaires sur ces événements de là-bas... vus d'ici.

L'argent hallal...
Interlocuteur 1: Tu vois, ces banques là qui respectent la sharia, elles connaissent pas la crise!
Interlocuteur 2: C'est normal, elles spéculent pas.
Interlocuteur 1: Ca veut dire que quand tu as besoin d'argent elles te prêtent de l'argent sans intérêt?
Interlocuteur 2: Oui, et elles ne font pas disparaître des milliards qui ne leur appartiennent pas en un clic!

Omar le grand pygmée...
Interlocuteur 1: Regarde c'est Omar Bongo, il est vraiment petit. Regarde là, il est encore plus petit que Sarkozy!
Interlocuteur 2: Hé non, lui c'est un grand. Il dure depuis 40ans (NDLR: cette remarque est floue, je soupçonne que la grandeur ici évoquée fasse référence à son temps de règne à la tête du pays)
Interlocuteur 1: Ah oui 40 ans, mais
quand même il est tout petit

Justice pour tous...
Pour comprendre cet échange, je vous donne les éléments suivants. Aujourd'hui, un mandat d'arrêt international a été lancé par le CPI contre Omar El Béchir président du Soudan pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité. L'Union Africaine (53 états) a exprimé sa réticence en justifiant que ce mandat d'arrêt pourrait destabiliser tout le pays... alors que cette même Union Africaine a poussé pour la création du CPI (les puristes me pardonneront). Je soupçonne les interlocuteurs présents dans l'assemblée de vouloir défendre la position de l'Union Africaine au nom d'un certain panafricanisme parfois flou.
Interlocuteur 1: Tu vois ce qu'ils vont faire à El Béchir?
Interlocuteur 2: Oui, s'ils lui font ça, pourquoi ne pas juger Bush aussi.
Interlocuteur 1: ???
Interlocuteur 2:
Parce que regarde tous les irakiens morts et même si on compte pas les irakiens, regarde tous les américains qui sont morts dans cette guerre. Alors que les américains ils avaient quoi à faire en Irak? Rien!

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Bande Son: Ice Cube - Hood Mentality
Barbe: Vos papiers s'iou plait?

4 mars 2009

Jour 74 - Les (autres) hommes bleu

Quitter Tombouctou est sûrement plus difficile que d'y arriver.


A la grande époque des Heinrich Barth et consort, il fallait se méfier des factions touaregs qui faisaient le jour et la nuit dans le désert. Nombreux sont ceux qui au hasard d'une mauvaise rencontre ont laissé leurs vivres, équipages et parfois la vie dans une embuscade derrière une dune. (Ce qui arrive encore de nos jours dans les petites ruelles tombouctiennes, mais c'est une autre histoire)


De nos jours, la menace est différente. Plus sournoise. Plus urbaine. Moins périlleuse. Et pourtant pas si différente des risques qu'ont pris ses valeureux explorateurs pour percer les secrets de la mystérieuse.

Voyez plutôt.


Ma T***** (qui roule à tout sauf à l'énergie verte) et moi-même étions de sortie 'à la ville'. Le fait est que pour trouver des fruits, des légumes, du bon café instantané, des biscuits fourrés au chocolat, du nutella, et tous ces produits que je qualifierais de première nécessité, il faut se rendre à Tombouctou. Parce que derrière la résonnance touristique de cette ville séculaire se cache une activité commerçante très dynamique. Tombouctou a toujours été un carrefour commercial de premier plan dans la région.

Alors que j'avais déjà deux bonnes heures de retard sur l'heure de départ vers mon fief,  je m'apprêtais à quitter la ville lorsque soudain au détour d'un carrefour sournois, un bras se lève. Ce même bras appartenait à un homme bleu, qui semblait porter un képi sur la tête. Dans la langue local, on les appelle les représentants de force de l'ordre, ou encore la police...


Et comme partout lorsque la police parle, le véhicule s'immobilise et le citoyen se tait (d'où qu'il vienne). Alors que cet homme bleu nouvelle génération nous (la T*****, le chauffeur et moi-même) demande les papiers du véhicule, il nous explique que derrière le bâtiment en construction il y a un panneau 'stop' caché à la vue de tous mais que le même 'tous' est obligé de respecter. Même s'il ne le voit pas. Logique.


Mon chauffeur m'explique en un éclair que le fin stratagème n'a pour but que de nous soudoyer de l'argent. Logique. C'est alors que commence le bras de fer. Dans ce genre de situation, le choix est simple d'un côté la pilule bleu 'il faut payer et ensuite repartir tranquille', et l'autre côté la pilule jaune 'tu ne payes pas et tu n'es pas prêt de repartir'. Comme dirait l'autre, j'ai décidé de ne pas choisir. Bien que je ne sois pas le seul véhicule immobilisé par ces forces de l'ordre zélées, je prends le parti de ne pas payer ne serait-ce que par principe.


C'est là que je me lance dans un fin stratagème.


Phase I: Feignant de ne pas comprendre la raison de mon immobilisation, je remets à l'homme bleu képifié les papiers de mon véhicule, ils sont en règle donc rien à redire mais j'attends de lui qu'il les garde. Ce qu'il s'empresse de faire pensant que ça pourra accélérer le passage à la caisse.
Phase II: J'attends...Phase III: J'appelle mon patron local pour qu'il me tire d'affaire

Bien disposé à m'aider, mon patron arrive dans son véhicule de ministre au barrage routier, en ayant allègrement grillé le stop invisible. Logique. Les forces de l'ordre l'immobilisent. Jusqu'ici tout va bien. Je prends mon meilleur regard de chien battu et lui exprime mon incompréhension devant cette injustice. Mon véhicule est en règle donc il n'y a théoriquement pas de raison que je ne puisse pas repartir.
S'en suis le cultissime échange que je vous retranscris ci-dessous:

Le patron sortant de son véhicule et s'adressant au policier: 'Bonsoir, que se passe-t-il?'

Le policier droit dans ses tongs: ' Monsieur vous avez grillé un stop'

Le patron pas décontenancé pour un sou: 'Vous ne me connaissez pas?'

Le policier stoïque:' Euh non, mais vous avez grillé un stop'

Le patron d'un ton solennel et amusé:' Je suis M. Machin, je travaille pour Truc,  on va s'arranger, il faut désormais rendre les papiers à ce monsieur' (en l'occurrence moi-même)

Le policier toujours aussi droit dans ses tongs: 'Arrangeons-nous tout de suite

Le patron autoritaire:’ Rendez les papiers à monsieur' (c'est moi pour ceux qui ne suivent pas)

Le patron prend les papiers de mon véhicule à l’agent de police et lui tourne le dos c’est alors que ce dernier sera compte impuissant qu'il vient de se faire avoir. Et tout le monde regagne son véhicule hilare.

Bon certes, ça fait beaucoup de moyens et de temps perdu pour une cause aussi insignifiante. Mais la conclusion est que pour cette fois le blanc ne s'est pas fait rouler. Et ça fait du bien!

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Bande Son : Ben Harper - So High So Low

Barbe: J'en connais un qui va avoir des soucis à la douane

 

17 février 2009

Jour 72 - Ma T****A est fantastique

Le camion est un outil de travail vraiment sympa. Pour peu qu'on ne soit pas sensible des lombaires et que l'on aime la belle mécanique on ne peut rester indifférent devant le 4,2l gasoil et ses 6 cylindres en ligne. Ca pousse. En première, en deuxième, en troisième, en quatrième jusqu'en cinquième. Ca pousse. Paraît même qu'on peut démarrer en quatrième.

1 mois et demi et 6000km ensemble ça crée des liens. On s'habitue à la sonorité brutale des 6 cylindres et l'on prend plaisir à glisser dans le sable, ça braque, ça contrebraque, c'est formidable. Pour sûr, ça change de la  F**d Fiesta dans les rues de Dax...

Reste que l'animal il a soif. Souvent, tout le temps. Lorsque l'on est cerné à l'est par la Mauritanie, à l'ouest par le Niger et que la Libye est un acteur plus qu'actif dans la région on serait tenté de penser que le pétrole coule à flot et à bas prix. Que nenni!


Dans la région, le carburant c'est un peu comme les Kinder. On ne sait jamais vraiment à quoi s'attendre, et on ne peut être fixé qu'en ouvrant le précieux fût ou en contrôlant le liquide sortant de la pompe. Du carburant, j'en ai vu de toutes les couleurs et de toutes les formes. J'en connais même certains qui malgré leur solide et incontestable expérience se sont laissé abuser.

Flashback
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A Niafunké, il n'y a pas de pompe à essence. Si l'on veut s'approvisionner il faut avoir recours aux étalages qui parsèment la route entre le four à pain et les poissons grillés. Côté face, je gagne: le gasoil a été coupé avec du fioul. Côté pile, je perds: le gasoil a été coupé avec de l'eau.
Afin de protéger mon précieux char d'assaut pétrolivore véhicule tout-terrain, et surtout la partie moteur, je stocke dans un lieu tenu secret (dont les coordonnées GPS sont cachées dans un coffre en Suisse et dont la clé n'est pas duplicable)... ma cave, une certaine quantité de carburant de qualité stockée en fût me permettant de vaquer à mes occupations quotidiennes: chasse à l'éléphant, pêche au gros, safari ornithologique, camping sauvage.
Toujours est-il que la première fois que j'ai accusé réception de mes fûts de carburant, j'ai commis une petite erreur. Ma livraison contenait un certain nombre de fûts de gasoil et un certain nombre de fûts d'essence. Oui, j'ai un parc de véhicules monstrueux. 
Arriva le jour où il a fallu faire le plein de la moto.
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Théorie du Kinder: dans le fût, texture inconnue, couleur suspecte. Ca ne peut pas être du gasoil donc c'est de l'essence. S'en suit le remplissage du réservoir, le démarrage de la moto, l'arrêt de la moto, le rédemarrage la moto, l'arrêt définitif de la moto. C'était du gasoil. S'en suit le démontage de la moto, la vidange du réservoir, le nettoyage du carburateur...
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Note pour plus tard: le dit fût contient du gasoil.
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Ce jour là, je devais partir en brousse et l'un de mes réservoirs (le camion en possède deux) était vide. C'est donc fort logiquement que je me suis rendu dans ma station service privée pour aller cueillir le précieux carburant. Le dernier fût était le FUT, texture inconnue, couleur suspecte. L'expérience avait montré qu'il s'agissait de gasoil. Sauf que...
Après 50km de route, le moteur du dit camion se met à rugir et s'arrête.

Moment de solitude, le carburant ni gasoil ni essence est marabouté. C'est là perdu au milieu de la brousse que j'ai exprimé mon infinie reconnaissance aux ingénieurs de chez T****a pour avoir mis en place le système de double réservoir. Parce que si le premier contenait du carburant de mauvaise qualité, ce n'était pas le cas pour le second.
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Conclusion: un aller à Tombouctou, vidange des réservoirs, changement des filtres, nettoyage du décanteur, et un retour à Niafunké plus tard... le problème n'est pas tout à fait réglé mais ça me permet de pas avoir à faire 2000km aller retour pour faire la révision des 10,000km à Bamako. Malgré tout, elle est fantastique ma T****a.

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Bande Son: Tanya Stephens - Put It On Me
Barbe: Ca pique un peu




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10 février 2009

Jour 64 - La crise immobilère

La venue d'un collaborateur d'un certain âge m'a poussé à investiguer dans le tortueux monde de l'immobilier niafunkois: voyez plutôt.

La mission... si vous l'acceptez est de trouver pour une durée de trois semaines une chambre équipée :

  • d'un lit (pour préserver les lombaires),
  • d'une climatisation (pour se protéger contre les rhumes),
  • d'électricité (c'est mieux pour la clim'),
  • d'eau courante avec option chaude (on parle d'eau ne nous égarons pas)
Et tout ceci pour un prix raisonnable, disons 300,000 Francs CFA (soit 450€).

La stratégie
Niafunké est une petite ville où le seul établissement proposant un confort satisfaisant est un petit hôtel de 8 chambres jadis financé par la coopération allemande. La concurrence est limitée puisqu'après la fermeture de l'hôtel financé par feu Ali Farka il n'en reste plus qu'un. Et qui dit monopole, dit négociations difficiles...
Chaque chose en son temps, il fallait déjà s'assurer que dans ce petit hôtel je pourrais obtenir une chambre pour toute la durée du séjour de mon collaborateur. Facile! me direz-vous...

La stratégie de l'échec
Alors que ma technique de siou aguerrie me garantissait le succès éclatante de mon entreprise, j'ai du me résoudre à accepter une petite victoire. Côté pile: une négociation à couteaux tirés qui apporte satisfaction à tout le monde. Côté face: la chambre n'est pas disponible sur la totalité du séjour l'hôtel étant complet les trois premiers jours du séjour de mon collaborateur.

Pas de quoi fouetter un chat... Sauf qu'à partir d'un certain âge le confort ça compte!

Finish the job
J'ai essayé de tromper l'ennemi en l'apitoyant. Grossière erreur stratégique. Après avoir longuement expliqué que je cherchais une chambre confortable pour une personne d'un certain âge, le patron de l'hôtel m'a proposé un plan B, puis un plan C...
Je suis toujours amusé de ces situations où l'on s'évertue à être le plus clair possible dans une demande et de constater que la réponse à cette même demande est aux antipodes de nos attentes. Explications.

De Trafalgar à Waterloo
Le Plan B était situé à l'étage d'une maison plutôt cossue. Après avoir escaladé grimpé l'escalier où les marches étaient plus hautes les unes que les autres, nous sommes arrivés sur la terrasse où quelques femmes faisaient la cuisine. Puis au bout, une porte. Une porte fermée à clé. Un guide qui n'avait pas la clé. Patience. Toujours pas de clé. Patience. Enfin là clé. Décéption. Une pièce ma foi fort sympathique, avec une salle de bain tout au fond qui semblait relativement propre. S'il n'y avait pas besoin d'un pic à glace et d'une corde pour grimper l'escalier et qu'il y avait un lit dans cette petite pièce pour sûr j'aurais accepté de payer le même tarif qu'à l'hôtel. Mais ce n'était pas le cas.

Luxe et décadence
La piste hôtelière ayant du plomb dans l'aile, il fallait trouver une ruse. Tromper l'ennemi, le leurrer pour mieux frapper. Puisque le complexe hôtelier niafunkois n'apportait pas satisfaction il fallait trouver des solutions chez l'habitant après tout ce n'est que pour 3 malheureux jours. C'est là qu'intervient la notion de réseau cher à notre ami Zuckerberg.  Rapidement, une lueur d'espoir apparaît en la personne d'un notable du coin, rarement présent mais disposant d'une belle bâtisse.
Belle maison, il n'y a rien à dire c'est une belle maison. Avec une petite dizaine de chambres, un salon décoré avec goût, des murs peints, une salle de bain avec une baignoire et un lavabo (my god is it true!?!), une clim électronique, des vitres aux fenêtres... Tout ce confort exposé par un gardien aveugle où pas loin de l'être qui se cognait à peu près dans tout ce qui pouvait se présenter face à lui.
Hormis la désagréable sensation de visiter la maison d'un autre et de débouler avec mes gros sabots, le prix proposé par le gardien dépassait l'entendement.

Intermède: L'immobilier ce monde impitoyable

Alors que l'affaire semblait pliée, le gardien dont la parole semblait bien plus fonctionnelle que la vue a commencé à m'expliquer qu'il y a quelques temps ce complexe immobilier avait été loué par des chinois à 150,000 FCFA par mois.

Pour 70,000 FCFA j'ai autant de pièces (si ce n'est plus héhé), pas de vitres aux fenêtres, pas de clim donc pas d'électronique dans la clim, pas de baignoire, une peinture défraîchie et pas d'eau chaude... Petit moment de solitude. Mais je l'aime bien ma maison, et puis au moins je peux garer le camion devant la maison.

Fin de l'intermède: l'immobilier est un monde cruel

La finition manuelle:
Parce qu'on n'est jamais mieux servi que par soi-même. Il ne me restait plus qu'une solution: réduire le plan d'action et les exigences qui vont avec. Je pense que l'objectif est de préserver le dos de mon collaborateur. Voici donc comment j'ai leurré l'ennemi et contourné les difficultés du terrain:
  • d'un lit (pour préserver les lombaires): emprunté à un collègue, deux places avec matelas et sommier, demonté puis remonté. Déménagé grâce à mon camion (décidément quel bel investissement, pour la peine je vous en offre un formidable cliché). J'aime le bruit du 6 cylindres au démarrage, pour l'impact environnemental: on repassera
 

SNB13174


  • d'une climatisation (pour se protéger contre les rhumes), faut pas charier non plus c'est pas encore la canicule et mon bunker conserve parfaitement la chaleur. Voilà 
       
  • d'électricité (c'est mieux pour la clim'), ça j'ai à la maison même que la redevance sur l'éclairage publique  me coûte très très cher
       
  • d'eau courante avec option chaude (on parle d'eau ne nous égarons pas) bon ça j'ai pas. Toutefois j'ai investi dans une grande casserole dans laquelle je pourrais faire chauffer de l'eau...
Mission accomplie: personne ne pourra prétendre que je ne sais pas recevoir...
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Bande Son: Noir Désir - Des Armes
Barbe: rasé de près, après tout ça n'arrive que 2 fois par mois

9 février 2009

Jour 60 - Dans la peau de Galak

Nous avons tous un jour passé un dimanche après-midi devant les fameux reportages animaliers que nous proposait par un temps la troisième chaîne et plus souvent la cinquième.

Parmi toutes les images, il y en a certaines que l'on n'oublie pas. Et je suis sûr que chacun a en tête ses images de souffrance de cétacés pris dans les mailles de filets destinés à la pêche au thon. Dans les grands filets dérivants, les gentils dauphins batifolant avec les thons bêtes et méchants se font prendre au piège de la société de consommation alimentaire mondiale. Souvenez-vous du regard vide du cousin germain de Flipper appelant à l'aide du bout de la nageoire... pour finir en soupe dans le pays du soleil levant.

Cette nuit, j'ai eu peur pour mes nageoires, et j'ai bien cru que je finirais écorché dans un bol de soupe.

Heureusement ce n'était qu'un vilain cauchemar, mais tellement réel car depuis cette nuit, je dors sous moustiquaire...

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Bande Son: Kanye West - Touch The Sky
Barbe: Quelque part dans la vallée du Panshir...

26 janvier 2009

Jour 53 - On s'envoit en l'air?

Le transport aérien, sa ponctualité, sa rigueur et son sérieux...

Quitter Tombouctou, c'est presque aussi dur que d'y accéder, ce n'est pas René Caillié et tout ceux qui y ont laissé la vie pour pénétrer dans la Mystérieuse qui aurait pu prétendre le contraire (surtout que certains en sont repartis les pieds devant, ou par le sous-sol pour les moins chanceux).

Toujours est-il que partir de Tombouctou ça se prépare... surtout si il y a 200km de piste à faire avant. A tout ceux qui se plaignent de devoir venir à l'aéroport 2h avant le décollage de leur avion, je leur dédie ces quelques lignes.

J'ai eu pendant quelques jours la visite d'un collègue qui venait m'accompagner dans mon travail sur place. Ce collègue partait pour Bamako par le vol du dimanche matin. Convocation à 6 heures du matin.

Récit d'un jour ordinaire dans le désert façon 24h Chrono (amis des rimes, bonjour)

Samedi 16h30:
Le chef d'un village perdu en brousse au bord du majestueux et dangereux fleuve Niger explique à une assemblée attentive l'importance de laisser la place aux jeunes. Conscient que lui et ses conseillers ont fait leur chemin ils souhaitent mettre en avant la jeunesse pour la gestion des points du village. Emotion (en différé pour votre serviteur une fois qu'on lui a traduit le laïus en français).

Samedi 17h30:
Je présente mes plus humbles excuses à l'assemblée et m'éclipse comme un fourbe discrètement. Mon char d'assaut  précieux véhicule tout-terrain s'arrête pour assurer les correspondances postales de ceux qui ont eu vent de mon départ vers Tombouctou. A ce sujet, je souhaite ouvrir une parenthèse.
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Niafunké est une jolie petite bourgade sur les berges du fleuve Niger, à 190km au Sud Ouest de Tombouctou et à 260km au Nord Est de Mopti. Entre Niafunké et Tombouctou: la piste, le fleuve pour les courageux. Entre Niafunké et Mopti: la brousse (suivre les traces des véhicules précédents) et le fleuve pour les courageux. Autrement dit, Niafunké est isolé. L'arrivée d'internet participe, pour ceux qui en ont les moyens, au désenclavement progressif de cette petite ville mal desservie. En effet, le quidam ne disposant pas de véhicule mais souhaitant quitter Niafunké n'a pas beaucoup de solutions. En fait, il y en a deux: partir en pinasse (voir les photos) ou attendre une occasion.  Attendre une occasion, c'est être prêt à partir et trouver le véhicule qui vous amènera à bon port... ça peut être long. Lors de mes premières visites j'étais surpris de l'intérêt que suscitait chacun de mes départs: l'instituteur, la femme de l'instituteur, la soeur de machin, le cousin de truc. Bref, à moins de circuler en bus il est impossible d'emmener tout le monde.
Et s'il en est ainsi des personnes, il en est de même du courrier.... et de l'argent. Niafunké ne disposant apparemment pas (ou alors je ne suis pas au courant) de bureau de poste et de guichet de banque. Les correspondances et débits transitent par la route au gré des occasions.
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Samedi: 17h45
Départ. Mais que s'est-il passé entre 17h30 et 17h45. Rien, juste le temps de dire au revoir. Un peu comme-ci les gens avaient peur que je ne revienne pas...
Et nous nous mettons en route pour Tombouctou, le soleil se couchant et la nuit prête à tomber nous avons 45 minutes de brousse avant de rejoindre une piste aménagée. En piste.

Samedi: 20h et des brouettes
Arrivée à Tombouctou. Mon correspondant sur place m'appelle à peine le pied posé sur le sable tombouctien pour me demander me rendre à l'hôtel Machin (comme ce blog n'a pas vocation à contribuer au Routard, j'ai moi-même censuré le nom des hôtels).
Arrivée à l'hôtel Machin. Je retrouve mon correspondant qui m'informe que le taulier vient de louer les deux chambres qu'on avait réservé pensant que nous ne viendrions plus. Raté.
Les hôtels Truc et Muche: tous les deux complets.
Mais pourquoi donc cet overbooking d'hôtels tombouctiens? Le président de la République du Mali, ATT pour les intimes, et son homologues d'Afrique Sud sont venus inaugurer un centre de conservation et d'étude sur les manuscrits de Tombouctou. Tombouctou ville de commerce et d'université abrite de très nombreux manuscrits dont certains d'une inestimable valeur sur l'astronomie, les mathématiques, la médecine et toutes ces choses que l'Europe a redécouvert des siècles plus tard en pensant découvrir l'eau chaud. Enfin bref, ce soir là y'avait du gratin à Tombouctou, ministre, secrétaire particulier, services de sécurités... Les hôtels étaient complets, et c'est souvent dans ces cas-là que le plan B fait défaut.

Samedi 21h
Avec l'énergie du désespoir, je sonne à quelques hôtels qui me fournissent la même réponse: complet, complet, complet...
Samedi 21h, coup de fatigue, température extérieure: 3°c.

Samedi 21h30
Je commande un steak frite à mon restaurant préféré  et me rappelle qu'ils ont deux chambres. La patronne essayant d'étendre ses activités. Deux chambres, deux lits, pas d'eau chaude, pas de couverture.
Samedi 21h30, gros coup de fatigue, température extérieure: très froide.

Samedi 23h45
Après 2 bières et un steak frite, réunion de travail avec mon collègue avant son départ du lendemain. Convocation à l'aéroport: 6h.

Dimanche 5h45
4h30 de sommeil et une nuit glaciale plus tard: départ pour l'aéroport.
Arrivée à l'aéroport: 5h55 (c'est sûr ça change des transports parisiens).

Dimanche 6h00
L'assistant technique de la compagnie aérienne nous explique que pour des raisons indépendantes de sa volonté le vol est décalé de 2 heures. Il nous prie de bien vouloir nous représenter au même endroit à 8h. Cet individu nous a tronqué impunément 2 heures de sommeil, ça rend aigri.

Dimanche 8h00
Un petit déjeuner plus tard. Retour à l'aéroport. Du monde, un peu de tension. Les voyageurs sont tous blancs et assez agés et semblent impatients. Chacun prend son mal en patience jusqu'à ce que le pilote surgisse le sourire aux lèvres dans la salle d'attente. Dans un anglais clair et limpide (pas pour le style mais parce qu'il ne parle pas français le bougre) il explique à l'assemblée qu'à cause du froid de la nuit (je vous l'ai dit qu'il faisait froid) les moteurs ne peut démarrer. Les batteries sont en carafe et pas moyen de les réanimer. Houston on a un problème.
C'est toujours à ce moment là que le gros beauf de service surgit en prétendant qu'il a des choses bien plus importantes que tout le monde à faire et qu'il serait intolérable qu'il ne puisse pas décoller A-S-A-P (oui tout se passe en anglais).
Le pilote reste calme prend le nom de ceux qui ont une correspondance dans la journée et annonce qu'un avion part de Bamako rapidement pour apporter des batteries neuves. Rendez vous dans 3 heures.

Dimanche 11h00
Une omelette plus tard (on ne se laisse pas abattre malgré tout). L'arrivée de l'avion de secours n'est pas confirmée mais cela ne saurait tardé. Effectivement, l'avion est annoncer à 12h et se pose à 11h57. Ponctualité et précision, ça fait plaisir. C'est alors que la cohorte de japonais se jette vers l'embarquement, la délégation sud-africaine lui emboîte le pas et mon collègue se faufile parmis la foule attentif au premier signe venant de la piste. Parce qu'à Tombouctou on passe du guichet directment sur la piste, y'a pas à s'encombrer de tunnels, escalators, satellite F porte 45, oubliez tout ça.

Dimanche 12h y picos
Le Beechcraft 17 places prend son envol vers Bamako... Tout simplement.

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Bande Son - Pearl Jam - Nothing As It Seems
Barbe - Jeune éphèbe
 

17 janvier 2009

Jour 44 - Le poids du silence

C'est une grande pièce carrée meublée de canapés accolés au mur et ornée de tapis muraux dans le style des salons d'Afrique Nord. Il n'y a rien de surprenant à cela après tout, nous y sommes au Sud de l'Afrique du Nord.

Dans cette grande pièce carrée, il n'y a pour mobilier qu'une petite table basse et une toute aussi petite vitrine sur le monde.

Le repas s'achève en silence. Un silence entre la sérénité de la digestion et le calme de la concentration. Digestion de l'information et silence de la réflexion.

Dans cette grande pièce carrée, le silence des adultes est troublé par les rires et l'insouciance des enfants qui chatutent au centre. Ils chahutent comme s'ils souhaitaient perturber le faisceau qui lie les aînés au reste du monde. Ils chahutent comme s'il s'agissait de rompre un silence inhabituel...

Dans cette grande pièce carrée s'exposent les ruines des écoles, se versent les larmes des femmes et des hommes, se dévoilent sans pudeur l'horreur de la souffrance mise à nue par l'indiscrétion de certains. Du sang, des ruines, la panique d'une zone de guerre.

Dans cette grande pièce carrée, le silence n'est rompu que par les rires des enfants qui ignorent les images qui se reflètent dans les regards vitreux des adultes fixés sur cette petite télévision.

Et puis soudain, les enfants se taisent, le silence n'est rompu que par cette simple question: "Comment des hommes peuvent-ils imposer autant de souffrance à d'autres?" L'interlocuteur se répond à lui-même "Aucune incompréhension ne devrait justifier cela".

Non, aucune.

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Bande Son - Edwin Star - War

Barbe - En berne

6 janvier 2009

Jour 33: Le bruit de bottes

Avant toute chose, je vous souhaite une excellente année 2009. Prenez tout ce que l'on vous a souhaité de meilleur et sachez que je vous souhaite la même chose.

Moins rapide que RFI, moins répétitif que France 24, plus concis que le JT de France 2, je vous offre 'live from the field' comme disent nos amis de là-bas des nouvelles du nord Mali.

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Eléments de paysage:

Le Mali est un pays multi-ethniques qui occupe une position centrale dans la sous-région d'Afrique de l'Ouest, chatouillant au nord les contrées algériennes et au Sud la jungle ivoirienne, la brousse burkinabé. Autant dire qu'entre le nord et le sud le Mali change de visage à en faire palir les fervents militants du conflit marseillo-parisien. Mais je m'égare...

Rapprochons-nous des régions du nord,  le triangle entre la Mauritanie,  l'Algérie et le  Niger est composé de trois régions maliennes: la région de Tombouctou, la région de Kidal et la région de Gao. Cette zone a été le théatre d'un long et violent conflit opposant les rebelles touaregs à l'armée régulière du Mali. A l'origine de ce conflit il y avait une volonté de l'Etat de sédentariser les nomades et des revendications de ces mêmes populations d'être représentées dans l'organisme d'état et dans les administrations locales. Pendant de nombreuses années, les deux parties se sont opposées violemment.

Les revendications des touaregs ont au début été soutenues par les populations du nord, jusqu'à ce que le conflit s'accompagne d'exactions: vol de bétail, sabotage des infrastructures d'eau potable, et j'en passe... Petit à petit, la population locale s'est vue prise en étau entre les forces de l'armée régulière et les factions rebelles. S'en sont suivis de grands déplacements de réfugiés qui ont cherché à fuir le conflit dans les pays voisins.

Après les affrontements, le Mali a choisi la voie des négociations et de la diplomatie en ouvrant le dialogue aux revendications des rebelles, c'est ainsi que les touaregs ont pu intégrer l'administration d'Etat et accéder à des postes à responsabilité. Pour les curieux, les accords d'Alger en juillet 2006 ont marqué la fin du conflit et l'apaisement des esprits.

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L'actualité:

Alors comment expliquer les attaques des semaines précédentes mise sur le compte de rebelles touaregs? Il y a peu d'analyses géostratégiques sur ces événements, en tout cas pas à ma portée. Je vous transmets donc les bruits de la rue, de ceux qui vivent ces 'agitations'.

Les touaregs n'ont plus de revendications. La volonté d'affirmation et de reconnaissance des droits de populations nomade a disparu puisque en partie réglée par d'âpres négociations. Alors pourquoi ces violences?

Il faut dézoomer du nord Mali et prendre une belle règle. Tracer une grande ligne droite vers l'infini et au-delà à travers le désert pour découvrir un axe Mauritanie, Mali et Algérie qui serait en quelque sorte une zone de non-droit. Parce que bien mal leur a pris de pétendre être maître du désert. Cet axe est semble-t-il le lieu de tous les trafics ou les touaregs en mal de reconnaissance ont disparu au profit de motivations un peu moins légales.

Mes interlocuteurs s'accordent à dire que la rébellion a été remplacée par des bandits animés par la volonté de poursuivre leurs commerces transfrontaliers sereinement. Voilà donc pourquoi les postes frontières sont la cible d'attaques armées.

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Et aujourd'hui?

Amdullah, ca va. Le président en exercice, Amadou Toumani Touré ancien militaire de son état, a décidé de mettre fin à sa politique d'ouverture pour passer à des actions nettements plus offensives. Le Mali a donc lancé ses hommes pour éradiquer les bandits de son territoire.  Cependant la géopolitique de la région est complexe et il semble aisé pour ces mêmes bandits de trouver refuge dans des pays voisins prétendus amis. Donner d'une main, reprendre de l'autre.

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Live from the field

Donc aujourd'hui, Tombouctou vit au rythme des rotations des hélicos (enfin y'en a un d'identifié...), des déplacements de troupes, des patrouilles d'homme en armes... et de la musique du festival du désert, ici.

La guerre contre le banditisme ne fait que commencer...

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Bande son: Bob Marley - Punky Reggae Party

Barbe: Y'en a

PS: quelques nouveaux clichés

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